Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
226
QUELQUES POÈTES

Nous ne trouvons guère que deux reproches sérieux à lui adresser : c'est de ne point avoir osé faire entrer plus franchement la famille dans son tableau du bonheur champêtre (on la devine plus qu’on ne la voit), et d’y avoir tout à fait omis la religion, malgré la gravité philosophique, presque religieuse, de certaines stances. Les naïfs chantres rustiques du 16e siècle avaient été à cet égard mieux inspirés. Mais Racan devait ailleurs réparer cette double omission, dans les Bergeries et dans les Psaumes.

Telle qu’elle est, cette pièce nous révèle l’existence d’une troisième corde dans la lyre de notre jeune poète ; l’une, celle de l’élégie, nous avait fait entendre les grâces plaintives d’un cœur amoureux ; l’autre les vifs accents des émotions lyriques ; celle-ci, celle des Stances, fait vibrer avec une sonorité plus grave les pleins accords de la philosophie morale.

En somme, des 6.000 vers de notre poète, les 90 vers des Stances forment le seul fragment resté debout, au milieu de la ruine générale opérée dans son œuvre par le temps, et il mérite d’être immortel.

Jamais il ne fut plus opportun de le remettre en honneur que dans le commencement de notre 20e siècle. Un des maux dont nous souffrons, de l’aveu de tous, dont nous pourrions bien mourir, pour peu que cela continue, conséquence de notre civilisation intensive, c’est le dépeuplement des campagnes, c’est cette fièvre qui nous prend tous.