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MALHERBE

… Fais rentrer dans le parc ta brebis égarée,
donne de l’eau vivante à ma bouche altérée,
chasse l’ombre de mort qui vole autour de moi.
Tu me vois nu de tout, sinon de vitupère [de crime] :
je suis l’enfant prodigue, embrasse-moi, mon père !
je le confesse, hélas ! j’ai péché devant toi.

Pourquoi se fût offert soi-même en sacrifice
ton enfant bien-aimé Christ, ma seule justice ?
Pourquoi par tant d’endroits son sang eût-il versé,
sinon pour nous, pécheurs, et pour te satisfaire ?
Les justes, ô Seigneur, n’en eussent eu que faire,
et pour eux son saint corps n’a pas été percé…

Ô Dieu ! toujours vivant, j’ai ferme confiance
qu’en l’extrême des jours, par ta toute-puissance,
ce corps couvert de terre, à ta voix se dressant,
prendra nouvelle vie et, par ta pure grâce,
j’aurai l’heur de te voir, de mes yeux, face à face,
avec les bienheureux ton saint nom bénissant[1].


De dix ans plus jeune, du Perron s’était mis à l’école poétique et politique de Desportes, si bien que, sur ses conseils, ce fils de ministre protestant avait « laissé là le protestantisme, opinion dangereuse, lui avait dit l’abbé de Tiron, — qui vous éloigne de la prospérité », et, du coup, il était devenu évêque d’Évreux et cardinal. Ses stances amoureuses, ses paraphrases de Psaumes, ses strophes monarchiques sonnent assez bien, et Henri IV le préférait à Desportes, qui avait ouvertement servi la Ligue. Mais dans ce tempérament combattif la politique, la polémique même

  1. Plainte, « Des abimes d’ennui… »