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PENSÉE FRANÇAISE

ou à raison, qualifiés de poètes. Je n’ai pas cru outrepasser mon droit ni compromettre l’objet de son travail en prenant sur moi de mettre à la porte, sans plus de façons, un certain nombre d’Anciens qui n’ont pas à leur actif cinquante vers bons ou mauvais et méritent parfaitement l’oubli complet où ils sont tombés : Laviolette, Phelan, Lartigue (bon évêque loyaliste, pitoyable rimailleur).

Avec les contemporains, impossible : ils étaient trop : tout au plus me suis-je permis de retirer à certains l’imprimatur que Fournier ne leur donna manifestement qu’à titre provisoire. Par comparaison, notre époque n’est donc pas présentée sous un jour particulièrement favorable. Mais il sera facile au lecteur de reconnaître parmi les contemporains ceux qui expriment le plus fidèlement l’esprit et les tendances de leur temps. La poésie canadienne d’aujourd’hui, c’est Nelligan, Gill, Lozeau, Paul Morin, Chopin, Doucet, Ferland, Delahaye, Blanche Lamontagne, même ce Louis Dantin, disparu mystérieusement aussitôt qu’apparu, et dont le Noël intime, dans notre littérature honnêtement ou faussement bien pensante, retentit douloureusement comme, au Sanctus d’une messe de l’aurore, parmi le recueillement des fidèles, le cri aigu d’une vierge épuisée de jeûne, affolée par le doute. Et s’il est malheureusement trop vrai que Nelligan, Lozeau, Paul Morin, Chopin, Doucet, Louis Dantin, ont en général l’haleine plutôt courte, ils ne l’ont jamais mauvaise. Je veux dire qu’ils ont, en matière intellectuelle, un souci de propreté qui est déjà un acheminement vers la haute culture : qui est, en tout cas, la condition première de l’expression poétique. Ils manquent d’originalité, de pensée personnelle ? Oui, mais ils lisent, mais ils cherchent ; chacune de leurs œuvres nouvelles dénote des études plus étendues, une application, un effort consciencieux, et le grand poète que nous faillîmes avoir en Nelligan, que Morin a laissé en-