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LETTRE OUVERTE

paient pour faire semblable besogne le sont bien davantage.

Remontez de dix années en arrière, Monsieur le Procureur général, à l’époque où ces mœurs hideuses se sont introduites dans notre journalisme ; et demandez-vous si de pareils abus, de pareilles manœuvres n’ont pas entraîné des condamnations imméritées ; si tout cela ne constitue pas des éléments de corruption sociale, qu’il est du devoir strict de l’autorité, en droit et en morale, d’étouffer coûte que coûte.

Après les scandales provoqués par la presse, il y a des scandales provoqués par les agents subalternes, auxquels on accorde si imprudemment des pouvoirs discrétionnaires disproportionnés à leur fonction, à leur responsabilité et à leur mentalité. Pour ces gens-là, tout se borne à « faire une cause. » quand même. Il leur suffit d’avoir une occasion ; peu importe que l’accusé soit coupable ou non. Leur acharnement est toujours complaisamment secondé par l’administration, et leur gloriole de policiers vaniteux et ignorants est voluptueusement satisfaite dès qu’ils obtiennent une condamnation. Et plus la faute est douteuse, plus le succès est grand. Ils poursuivent une idée fixe qui leur rapporte quelques louches avantages en cas de succès, mais qui ne les expose à aucun risque dans le cas contraire. Dans l’exercice sans contrôle et sans modération de leur métier, ils ont la latitude d’être injustes, méchants, implacables et cruels impunément, c’est-à-dire avec délices. Ils ont ainsi l’occasion, dans une mesure relativement large, d’émarger d’une façon extraordinaire au budget de la justice ; ils trouvent d’agréables exemptions de service pendant la durée des enquêtes et des audiences ; ils peuvent faire la roue devant les petites et les grosses dindes de leur quartier, à cause de l’extrême importance que leur communiquent mo-