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NOTRE DEVOIR LE PLUS URGENT…

les rapaces proconsuls romains ne savaient que trop apprécier. Le rayonnement extraordinaire de la pensée juive en Asie mineure, à Alexandrie et jusqu’en Grèce vers la même époque ne surprend de même qu’au premier coup d’œil ; sous tous ses maîtres le Juif avait conservé l’unité et la continuité de pensée qui sont le principe le plus actif de vie politique ; les missionnaires qui étaient en train de conquérir le monde au monothéisme judaïque quand parut le Christ, et après lui saint Paul, étaient soutenus dans leur prosélytisme par une foi inébranlable à la résurrection prochaine de la nation juive. À l’époque moderne, on a vu des nationalités méprisées naguère forcer en quelques années l’attention puis l’admiration du monde par leurs œuvres intellectuelles ; pour n’en nommer qu’une, citons les Tchèques, dont la situation, longtemps analogue à la nôtre, comporterait pour nous de si salutaires leçons si notre suffisance nous permettait de chercher des enseignements quelque part. Mais le relèvement économique et politique, qui avait été pour ces nationalités une des conditions essentielles de la renaissance intellectuelle, a été la condition non moins essentielle de leur réhabilitation intellectuelle aux yeux de l’étranger. Les Américains qui ont étudié à Paris admirent passionnément la littérature et l’art français ; ils se font une gloire d’aller entendre et applaudir les conférenciers de l’Alliance française en tournée dans leur pays ; mais leur sympathie intellectuelle pour les populations d’ouvriers et de manœuvres franco-américains qui peinent dans les chantiers et les usines des États-Unis n’en est pas accrue d’un iota ; à tort ou à raison, ils continuent de croire que ces populations, si admirable que d’autres jugent et que puisse être leur pieux attachement au souvenir de la France, ne vivent pas assez intensément de la vie française pour arrêter, même passagèrement, leur attention. Eussions-