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Les tôles, la fonte, le cuivre, on chargeait tout ça sur les voiliers du Quintana. Morceau par morceau, pépé Anton’ voyait repartir vers le continent l’Andromède, auquel il témoignait de cette passion qu’il portait, de près ou de loin, à tout ce qui touche la mer. Chez un homme comme lui, qui n’avait jamais possédé autre chose que son corps, un mélange de tristesse et de révolte naissait devant cette destruction d’un si beau navire, qu’on pouvait utiliser encore — puisqu’il était arrivé à Ferreal par ses propres moyens. — C’était du gaspillage, un crime contre le travail des hommes, contre ceux qui avaient construit l’Andromède. « Bah ! disait Portalis, il y a peut-être la moitié de la flotte mondiale qui attend du fret. Et aussi celle qui pourrit sur les fleuves. Ton Andromède, c’est déjà épatant qu’il serve a nous faire gagner notre croûte ! »

Le pépé Anton’ ne discutait point. À Ferreal, on s’en ressentait aussi de la crise mondiale en question, et même lui, pépé, devait vendre moins cher son poisson. Aux navires à mazout que lui décrivait Portalis, il continuait de préférer ce vieux cargo. Il le connaissait ! Autant que sa barque ! Parce qu’il avait voulu se rendre compte une bonne fois de ce qu’est un navire. Et aussi parce qu’il se disait que parmi les gens de mer on rencontre deux espèces : les pêcheurs comme lui qui se confient à une coquille de noix, n’attendent leur salut et leur pain que de leurs mains et de leur voile ; puis ceux qui triment sur des vapeurs, comme ses camarades du courrier, et qui tout de même ont une existence de marin.

Lorsque les compagnons avaient fini leur journée, pépé Anton’ , bien entendu, restait sur le cargo. Avant l’arrivée de l’Andromède, il couchait dans une vieille maison du port qui appartenait à un patron pêcheur. Dans une chambre encombrée par les filets et les paniers à langoustes, il serrait sa paillasse et un long coffre renfermant des vêtements de rechange que lui donnait le petit Cazenave, des engins de pêche, sa guitare, quelques souvenirs. Il avait transporté