Page:Association des écrivains et artistes révolutionnaires - Commune, numéros 5 à 10, janvier à juin 1934.djvu/471

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aimer ! — Mais il ne pouvait aller longtemps en mer sans vomir et ne sortait jamais de Ferreal où il se proposait de prendre bientôt un commerce, il admirait les riches, ceux qui ont une voilure, des propriétés, et jamais un ciel, un horizon, de ces choses naturelles qui vous remettent l’homme à sa vraie place. Il faisait comme les bourgeois, il criait, se croyait fort parce qu’il commandait à dix hommes ; il voulait « arriver », montrait du zèle et léchait les bottes au vieux Quintana.

Heureusement que sur l’Andromède on était capable de se défendre ! Portalis, Vigo, Fernandez rouspétaient ; Graynier, Caussade tiraient adroitement au flanc ; Riera et Ferez, le soir, emportaient en douce du bois pour leur ménage ; bref, pour résister à ce Palan de malheur, tous s’ingéniaient. Ils formaient une bonne bande de camarades, sans mouchard, que chaque jour de travail liait davantage.

À midi, parfois, pépé Anton’ faisait réchauffer leur manger. Ou il leur préparait une soupe de poisson, du riz à la tomate. Et vlan ! à chacun une grande louche, pas de jaloux. C’était à la fin de ces repas qu’ils lui demandaient de jouer un air de guitare.

Ensuite, ils se mettaient au travail. Ils tapaient dur, heureux d’être forts et de respirer le printemps — qui ramène la vie facile, avec les fruits, les tomates, le poisson pour presque rien.

Vers cinq heures, sur le chemin, les promeneurs commençaient à se montrer. Des filles ralentissaient, les plus hardies s’arrêtaient. Ces hommes, sur ce navire comme ravagé par la tempête ou un combat, ils avaient des allures de pirates. Le torse nu, velu, doré ; les mains noires, mais agiles et solides ; un pantalon en loques et lâché ; un béret ou un vieux feutre crânement posé sur la tête ; et souples, puissants, gais, audacieux. À Ferreal, les mœurs sont sévères, le clergé y veille, et les filles n’ont point l’habitude de voir des hommes presque nus. En chuchotant,