Page:Association des écrivains et artistes révolutionnaires - Commune, numéros 5 à 10, janvier à juin 1934.djvu/474

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vaches maigres et des petits cochons noirs ; pas de ces richesses qui font que des étrangers vous envahiront, ou des curiosités qu’ils viendront admirer comme dans certaines îles méditerranéennes.

Un bruit bizarre arracha pépé Anton’ à ses réflexions. Un rat ? Non, comme le bruit d’un pas. Il écouta. Des frôlements d’insectes, les murmures de la nuit, un clapotis. Brusquement, il se leva : cette fois, il avait entendu tinter de la ferraille.

Il couchait avec son pantalon et son maillot ; pieds nus, il s’enfonça dans une ombre familière, monta une échelle, arriva sur le pont. Une forme bougeait… celle d’un homme… petit, pas large d’épaules, avec de longs bras comme Palau.

— C’est lui, cré bon dieu ! Qu’est-ce qu’il fabrique ?

Palau se pencha au-dessus de l’eau et laissa glisser une corde au bout de laquelle il avait attaché un paquet de tubes. Du cuivre ? Demain, il engueulerait pépé Anton’, il raconterait aux Quintana que leur gardien faisait mal son métier. Ah ! le salop. Du cuivre qu’il vendrait en douce. Pépé Anton’, pas surpris de rencontrer là son bonhomme, se glissa à plat ventre, sans bruit, bien en tapinois. Il allait lui flanquer la main au collet, comme à un malfaiteur… Non… Il eut un rire silencieux, un rire de jubilation. Caché derrière un tas de cordages, il observait : Palau ficelait de nouveaux tubes, il se pencha encore… Sans attendre, pépé Anton’ se redressa d’un jet, bondit, et des deux bras poussa Palau dans le vide.

Il entendit un juron, le floc d’un corps qui enfonce, barbote, puis des hurlements.

— Au secours ! Pépé !

Pépé Anton’ le vit se débattre à quelques mètres de son canot. Il ne savait donc pas nager ? deux brasses et il pouvait s’y accrocher, l’imbécile. Fallait cependant pas le laisser crever.