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TU SERAS UN OUVRIER [1]

iii


Le lendemain matin, réveillés tôt par leur impatience à vivre, les deux enfants se précipitèrent à la fenêtre donnant sur la route de Champdamoy et la vallée de la Colombine, aux belles prairies humectées par la nuit. Une file de peupliers cachait l’autre versant de la roche qui s’était écartée pour laisser passer le filet d’eau claire de la rivière. Enfin, les dernières maisons de Quincey s’aggrippaient au flanc glissant de la colline. À gauche, c’était le moulin de Champdamoy, invisible de là, et la « fond », mystérieux étang rond qui communique avec une rivière souterraine. À droite, caché par des arbres, était Vesoul.

Par l’autre fenêtre donnant sur la cour, on trouvait à dix mètres la roche jaune à cassures nettes que l’on aurait voulu pousser pour en écarter la maison. André et Jean, qui logeaient au deuxième étage dans une grande chambre mansardée, près des greniers, descendirent sans faire de bruit, se croyant les premiers levés, mais ils trouvèrent au rez-de-chaussée, dans la cuisine, la grand’mère d’André qui, encore plus matinale qu’eux, avait allumé la cuisinière et y entretenait, dans une bonne chaleur, le café et le lait. Il était bon d’avoir faim et de trouver sous la main, tout prêt, le café qui parfumait la maison, le lait crémeux, le beurre et les petits pains ronds ; il était bon, par dessus tout, de ne pas avoir à penser à l’argent. À la pensée que les vacances lui donneraient un répit de trois mois sans commissions à faire à crédit, Jean était soulevé par la joie.

Toutefois, il se trouvait intimidé d’avoir à faire connaissance avec cette famille inconnue, une grand’mère, un oncle,

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