Page:Association des écrivains et artistes révolutionnaires - Commune, numéros 5 à 10, janvier à juin 1934.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

-ces avec leurs enfants. Tu devineras pourquoi, écrivait sa mère. Oui, il devinait pourquoi, toujours à cause de son père. Tous ses vieux chagrins s’étaient réveillés d’un coup et, inquiet, n’osant parler de sa peine à Thérèse, il se sentait un étranger dans la maison.

Quand Thérèse les envoyait se coucher, il faisait encore jour. André était fatigué d’avoir toute la journée fait des kilomètres à bicyclette et Jean avait besoin de repos. Ils aimaient d’ailleurs ces longues soirées dans leur grande chambre large comme la maison, avec une fenêtre mansardée à chaque bout, l’une donnant sur la cour et l’autre sur la route.

Tous les soirs, avant de dormir, ils bavardaient, quelquefois tard dans la nuit. Ils chantaient à tue-tète et récitaient des poèmes appris à l’école et c’était à celui qui dirait le dernier mot avant de dormir.

Thérèse leur apprit une poésie qui devait laisser une trace ineffaçable dans la vie à Jean :

C’est le jour où, levant le lourd marteau de cuivre,
Tu tremblais comme si j’allais te renvoyer,
Que dans la maison close et blanche de givre,
J’ai compris qu’il était des hommes sans foyer.

Tandis que tu tendais tes deux mains vers la miche,
Qui semblait, sur la huche, un bloc taillé d’or fin,
Je me suis demandé par quel miracle un riche
Pouvait manger tandis qu’un pauvre meurt de faim !

Par la fenêtre ouverte montait l’odeur des feuilles et des herbes froissées par la journée de juillet, l’odeur de lait et de litière des étables proches, et la chanson de la rivière. Le ciel dans la fenêtre devenait d’un bleu outremer.

Thérèse venait leur dire bonsoir et restait bavarder avec eux.

André faisait souvent des projets d’avenir. En octobre, il devait changer d’école et en parlait avec passion. Jean se joignait à sa joie bien qu’il en eût le cœur serré. Il savait bien qu’en octobre André le quitterait et qu’en même temps tout ce qui était bon dans sa vie ficherait aussi le camp. Un soir, Thérèse, assise sur le lit de Jean, demanda :