Page:Aubigné - Œuvres poétiques choisies, 1905, éd. Van Bever.djvu/68

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Belle, pour estanctier les flambeaux de ton ire,
Prens ce fer en tes mains pour m’en ouvrir le sein.
Puis mon cueur haletant hors de son lieu retire,
Et le pressant tout chault, estouffe en l’autre main
Sa vie et son martire.

Ha Dieu ! si pour la fin de ton yre ennemie
Ta main l’ensevelist, un sepulchre si beau
Sera le paradis de son ame ravie,
Le fera vivre heureux au milieu du tumbeau
D’une plus belle vie !
 
Mais elle faict sécher de fièvre[1] continue
Ma vie en languissant, et ne veult toutesfois.
De peur d’avoir pitié de celuy qu’elle tuë,
Rougir de mon sang chault l’ivoire de ses doitz
Et en troubler sa veuë.

Aveugle ! quelle mort est plus doulce que celle
De ses regards mortelz et durement gratieux[2]

Qui desrobent mon ame en une aise immortelle ; J’ayme donc mieux la mort sortant de ses beaux yeux Et plus longue et plus belle ![3]


IV

[4]

PLEUREZ avec moy, tendres fleurs,
Aportez, ormeaux, les rozées

  1. Var. Ms. Monmerqué : Sécher de rage.
  2. Var. Ms. Monmerqué :

    Aveugle que je suis, quelle mort est plus belle
    Qu’à coups de ses regards mortelTi et gracieux,
  3. Var. Ms. Monmerqué -.plus belle, plus cruelle.
  4. Tronchin, viii, fol. 64, r. - Monmerqué, p. iio.