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INTRODUCTION


I

Vie d’Agrippa d’Aubigné.


Théodore Agrippa d’Aubigné[1] naquit au château de Saint-Maury près de Pons en Saintonge le 8 février 1552[2]. Il perdit sa mère dès sa naissance et fut élevé par un père qui ne lui prodigua point les caresses, mais lui fit donner une forte éducation. Le jeune Agrippa fut mis de bonne heure à l’étude des langues et des lettres anciennes ; on lui apprit le latin, le grec et l’hébreu. En même temps qu’il le formait aux études sérieuses, son père l’élevait en bon huguenot : on sait que Jean d’Aubigné traversant un jour le pont d’Amboise, après la conspiration, et voyant plantées sur des poteaux les têtes des suppliciés, fit jurer à son fils, alors âgé de dix ans, qui chevauchait auprès de lui, « de n’épargner point sa teste pour venger ces chefs pleins d’honneur. »[3] Un séjour que d’Aubigné fit à Genève (1565-1567), après la mort de son père, et que son tuteur lui imposa pour le perfectionner dans la connaissance des lettres grecques, acheva cette éducation calviniste à laquelle on l’avait soumis depuis ses premières années. Aussi, dès son adolescence, d’Aubigné laisse pressentir ce qu’il sera toute sa vie, le type accompli de la « gentilhommerie protestante française, brave, opiniâtre, raisonneuse et lettrée, guerroyant de l’épée et de la parole[4]. » À ces traits, pour compléter le caractère et

  1. Les éléments de la biographie de d’Aubigné sont contenus dans sa Vie à ses enfants, qu’il faut contrôler et compléter par l’Histoire universelle et par les Œuvres poétiques. Nous citons l’Histoire universelle d’après l’édition de Ruble et les autres œuvres d’après l’édition Réaume et de Caussade (Cf. Bibliographie).
  2. Sur cette date, cf. Réaume : Étude historique sur A. d’Aubigné, p. 4.
  3. Cf. I, 6, Vie.
  4. Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, X, 254.