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INTRODUCTION.

l’élection de la Régente ; choisi, malgré cette protestation, pour aller à la Cour porter « les soumissions de sa province », il répondit à Villeroy qui s’étonnait de ne pas voir les députés s’agenouiller devant Marie de Médicis, que les députés nobles et ecclésiastiques « devoyent au Roy la révérence, et non pas l’agenouillement[1] ». Enfin il refusait les pensions que lui offrait la Régente, et il prenait part à tous les soulèvements politiques et religieux qui signalèrent les premières années du règne de Louis XIII. Il continuait en même temps à ne point épargner les paroles amères ou hautaines à ses amis : à l’assemblée de Saumur il accusa le duc de Bouillon de trahir le parti protestant ; à l’assemblée synodale de Thouars il « prit congé de la compagnie » dès les premières séances, et déclara que les Assemblées étaient « devenues telles que des femmes publiques[2] ». Après la paix de Loudun, il ne se tint pas d’affirmer que cette paix avait été « une foire publicque d’une générale lascheté et de particulières infidelitez[3] ». Il était mécontent des siens autant que de la cour ; les siens se sentaient aussi peu disposés à le défendre que la cour à lui pardonner. Aussi, après avoir vendu ses deux places de Maillezais et du Dognon, et avoir vécu quelque temps dans la retraite à Saint-Jean-d’Angely, d’Aubigné jugea prudent de se réfugier à Genève en 1620.

C’est là qu’il acheva de vieillir sans changer d’humeur et de conduite : toujours dévoué à la cause protestante, il représenta, sous le nom de Procureur général des Églises, les intérêts des réformés français auprès de la Suisse et de l’Allemagne, et il s’efforça de relever les affaires de son parti en faisant appel à l’étranger ; entre temps, il fortifiait Genève pour la mettre à l’abri des entreprises du duc de Savoie. Rien n’affaiblissait sa foi robuste en la justice de la cause protestante : ni la prise de la Rochelle et l’édit d’Alais (1627-1629), ni les trahisons de son fils Constant d’Aubigné[4], ni les attaques personnelles dont il était lui-même l’objet : le duc d’Epernon soudoyait en effet des meurtriers à gages

  1. Cf. I, 84, Vie.
  2. 2. Cf. I, 86, Vie.
  3. 3. Cf. I, 88, Vie.
  4. 4. Cf. I, 109 sqq., Vie.