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agrippa d’aubigné
Fleurs qui tombent si tost qu’un vrai Soleil les touche
Ou que Dieu fenera par le vent de sa bouche,[1]
Tout puissant, tout-voyant, qui du haut des hauts cieux[2]
Fends les cœurs plus serrez par l’esclair de tes yeux,[3]
Qui fis tout, et conneus tout ce que tu fis estre ;
Tout parfaict en ouvrant, tout parfaict à connoistre,[4]
De qui l'œil tout courant, et tout voyant aussi,
De qui le soin sans soin prend de tout le souci,[5]
De qui la main forma exemplaires et causes,
38. En connoistre T.
- ↑ 34. Fenera. Voir Vaugelas, éd. Chassang, II, 385 : « Faner, fanir, ou fener. Ces trois mots sont également bons et signifient une mesme chose. Mais faner est encore plus usité que les deux autres. » Cf. les formes glener et glaner, et voir Thurot, II, 456. — Nous entendons ainsi tout ce passage : je tente une entreprise nouvelle, qui est de venir au secours de la captive Église par la satire de l’Église Romaine, de ses erreurs et de ses abus. Devant moi, pas de modèle que je puisse suivre. Mais Dieu, pour qui je combats, me conduira, comme il conduisit les Hébreux au sortir d'Égypte ; il me frayera une voie au champ aujourd’hui inculte et abandonné des antiques Prophètes, source de vérité. Retrouver cette vérité, c’est le but de ma poésie tout inspirée par la foi. Devant elle pâliront et s’effaceront les fleurs de la poésie profane, que je laisserai après moi, brisées et foulées, comme traces de mon passage.
- ↑ 35. Toute cette prière est d’inspiration biblique. Cf. Psaumes, XXXIII, 13-15 ; LXIX, 10 ; CXIX, 139 ; CXXIX, 16 ; Luc, XXIV, 32 ; Malachie, III, 2-3.
- ↑ 36. Fends les cœurs. Cf. IV, 119, Ch. dor. :
Grand Dieu, devant les yeux duquel ne sont cachées
Des cœurs plus endurcis les premières pensees…
— Plus serrez, les plus serrés. Forme fréquente au XVIe siècle du superlatif. Cf. V. 44. 289, 500, 1279 et les exemples recueillis par Schüth, Studien sur Sprache d’Aubigné’s, p. 8. - ↑ 38. En ouvrant, en travaillant. Cf. I, 540, Lettres : « Cette foy sera tesmoingnée par l’esprit de Dieu ouvrant en nous par cherité. » — Parfaict à coinnoistre, pour ce qui est de connaître, comme le demandent le sens du premier hémistiche et la symétrie avec le vers précédent, et comme le prouve la variante en connoistre du manuscrit. — Notez la rime de connoistre avec estre. On sait que oi se prononçait alors dans la plupart des mots comme oué. Voir aussi les rimes François et autresfois, v. 659-600, Valois et François, v. 879-880. Sur l’histoire de la diphthongue oi et de sa prononciation, cf. Thurot, 1, 374 et 399, Darmesteter et Hatzfeld, Le seizième siècle en France, p. 211.
- ↑ 40. Le soin sans soin, préoccupation sereine. Cf. II, 129, Médit. : « Tel est le soin sans soin de l’Esprit vivifiant.»
inutiles et maintenant riches de fruicts savoureux." Hist. univ., I, 2.