Page:Aubigné - Les Tragiques, I. Misères, éd. Bourgin et al., 1896.djvu/65

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Barbares en effect, François de nom, François, [1]
Vos fausses loix ont fait des faux et jeunes Rois, [2]
Impuissans sur leurs cœurs, cruels en leur puissance ;
Rebelles ils ont veu la desobeissance :[3]
195Dieu sur eux et par eux desploya son courroux,
N'ayant autres bourreaux de nous mesmes que nous.

Les Rois, qui sont du peuple et les Rois et les peres,
 [4]
Du troupeau domesticq sont les loups sanguinaires ;
Ils sont l'ire allumée et les verges de Dieu.
200La crainte des vivans, ils succedent au lieu
Des heritiers des morts ; ravisseurs de pucelles.
Adulteres, souillans les couches des plus belles



192. Ont en AT.

    Voir aussi Robert Garnier, Antigone, v.1503 :
    S’ils pensent nous avoir vaincus,
    C’est d’une victoire Cadmee
    Où les vainqueurs pleurent le plus.

  1. 191. En effect, en réalité, en fait ; s’oppose à François de nom.
  2. 192. Vos fausses loix, celles qui ont fait de la France une monarchie absolue et non une monarchie tempérée. C’est là vraisemblablement un des passages qui firent craindre à d’Aubigné de passer pour turbulent. Cf. IV, 4, Aux lecteurs, où Prométhée nous montre son maitre répondant à ceux qui le pressaient de publier son livre : « Je gagueray une place au rolle des fols, et, de plus, le nom de turbulent, de Républicain.»
  3. 194. Rebelles, envers Dieu. Cf.IV, 84, Princes :
    En vain vous commandez, et restez esbahis
    Que, desobeissants, vous n’estes obeis,
    Car Dieu vous faict sentir soubs vous, par plusieurs testes
    En leur rebellion, que rebelles vous estes.
    Vous secouez le joug du puissant Roy des Rois !
    Vous mesprisez sa loy, on mesprise vos loix !
  4. 197. Les Roys et les peres. Cf.v.563, et IV, 339, Sonnets épigr. : "Aux Roys qui du païs sont les Roys et les peres.» D’Aubigné est monarchiste, mais il n’admet pas le principe du bon plaisir : "Je tien l’Estat de la Royauté le plus honorable et excellent de tous, quand elle est appuyée des correctifs qui l’empeschent de tomber en la Tirannie." II, 45, Du Dev. des Roys. Quels sont ces correctifs ? « C’est que le Prince n’ayant droict que celuy que le peuple luy a donné, le peuple n’a peu transferer ce qu’il n’avoit pas, à sçavoir la puissance de violer le droit des gens.» Ibid., 48. Cf.IV, 10, Aux lecteurs, où il fait sa profession de foi. Voir aussi IV, 86, Princes, le portrait qu’il fait du vrai Roi : « Pere de ses subjects, amy du misérable..», etc.