Et que d’un bout de plume on l'abeche avec l'eau,[1]
Si en louve tu peu dévorer la viande,
Ton chef mange tes bras : c’est une faim trop grande.[2]
Quand le désespéré vient à manger si fort
Apres le goust perdu, c’est indice de mort.
Mais quoi ? tu ne fus oncq si fiere en ta puissance,
Si roide en tes efforts, ô furieuse France !
C’est ainsi que les nerfs des jambes et des bras
Roidissent au mourant à l’heure du trespas.
On resserre d’impost le trafic des rivières,[3]
Le sang des gros vaisseaux et celui des artères.
C’est faict du corps auquel on trenche tous les jours
Des veines et rameaux les ordinaires cours.[4]
Tu donnes aux forains ton avoir qui s’esgare,[5]
617. Que si tu peux encor A. — Si tu peux allouvi T. Cf. la notice sur le texte. || 629-632. Ces quatre vers ne se trouvent pas dans la première édition.
- ↑ 616. Abeche. Proprement, donner la becquée. Cf. IV, 147, Ch. dor. :
Le mensonge qui fut vostre laict au berceau
Vous nourrit en jeunesse, et abeche au tombeau. - ↑ 618. Cf. IV, 85, Princes :
Et le chef n’est plus chef, quand il prend ses esbats
A coupper de son corps les jambes et les bras.
— Pour la ponctuation de ce vers nous nous séparons des édit. précédentes, qui mettent un point-virgule après bras et ne marquent aucune ponctuation après grande. - ↑ 625. Impost. C’est ainsi que le duc d’Aumale établit des taxes à Saint-Valery sur le commerce de la Somme, au grand détriment des bourgeois d’Abbeville. Cf. E. Prarond, Ronsard et d’Aubigné sous Henri III, p. 26. — : Cf. note sur le v. 144.
- ↑ 628. Rameaux. Terme d’anatomie qui s’applique soit aux veines, soit aux bronches, soit aux nerfs. Cf. III, 409, Créat. :
Ce torax est partie ossu, aussy charnu
Et cartilagineux, auquel est contenu
Le cœur, les deux poulmons et la trachée artère,
Laquelle par deux fors rameaux en eux s’incere… - ↑ 629. Forains. Cf. Hist. univ., IV, 193 : « La cour contribuoit aux projects qui estoyent portez par eux [ces écrits…, y adjoustant toutes rigueurs à
-pond à une locution méridionale identique : ès au roumel, il est à l’agonie (Mistral). L’étymologie proposée par Mistral (lat. rheuma) est très invraisemblable, et encore plus le rapprochement (s. v. raumela) avec le français grommeler.