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services d’une étrangère : il n’est que juste qu’il indemnise pour sa part sa compagne de son labeur.

Peut-être trouverez-vous étrange que je fasse ces divisions entre mari et femme. C’est, qu’avant tout, j’ai souci de la dignité humaine. C’est que je crois qu’un homme estimera sa femme, qu’une femme cessera de se croire l’obligée de son mari, quand, au point de vue économique, tous deux seront réciproquement indépendants. C’est qu’enfin, au rebours de ce qui est socialement admis, je fais passer avant l’indépendance économique de l’homme, l’indépendance économique de la femme, parce que c’est à la femme qu’incombe naturellement la charge de l’enfant. Le mari peut oublier quelquefois ses devoirs de père ; il peut abandonner sa femme et ses enfants. L’amant se dérobe presque toujours aux charges de la paternité. — La mère attachée à son enfant meurt parfois d’inanition en lui donnant sa dernière goutte de lait, sa dernière bouchée de pain.

Et quand la femme sur laquelle pèse une pareille responsabilité — la vie matérielle de l’enfant — quand la femme est admise dans une industrie quelconque, l’homme proteste, l’homme se récrie : Femme, tu vas prendre notre place. — L’enfant et moi nous mourrions de faim, dit la femme. — C’est à l’homme de te nourrir toi et tes enfants. Je ne veux pas pousser plus loin le dialogue entre ces deux rivaux, la femme et l’homme, dans la lutte pour l’existence.

Je l’ai dit : je n’admets pas que l’homme doive seul pourvoir aux besoins de la famille. Toute femme qui, pouvant travailler trouve plus commode de se faire loger et nourrir par son mari, n’est, selon moi, qu’une femme entretenue. Mais je vous de-