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mande à vous qui admettez cette hypothèse — la femme entretenue par son mari — qui nourrira la femme avant qu’elle ne soit pourvue d’un mari ? Qui nourrira la femme quand elle restera célibataire ? Qui nourrira la veuve et ses enfants ? Ah ! je vous entends ! Dans la société future les enfants seront à la charge de la commune ou de l’État ; mais en attendant cette société mieux organisée, toutes ces catégories de femmes et d’enfants sans travail ni pourvoyeur ont faim et l’estomac ne se satisfait pas d’espérances.

Citoyens, je le constate avec tristesse, vous qui vous dites les forts, vous vous faites un jeu de l’existence de celles que vous appelez les faibles. Que vous soyez riches, que vous soyez pauvres, vous exploitez les femmes. Et quand, à bout de misère, vous les voyez maladives, chancelantes ; c’est le travail qui les tue, dites-vous. — Ce n’est pas le travail, c’est la pauvreté qui tue les femmes ; ce sont les privations de toutes sortes qu’elles s’imposent pour payer vos vices ou vos plaisirs qui donnent à vos enfants cette figure hâve. C’est des privations inhérentes à la pauvreté de la femme que découlent pour les générations le rachitisme du corps et le vide du cerveau. Il faut — et cela sous peine de voir pericliter votre race — il faut changer la situation économique de la femme ; il faut qu’en tout temps la mère ait une nourriture vivifiante. Arrière donc ce préjugé qui conduit à l’étiolement de la génération et qui consiste à dire : La femme sera nourrie par l’homme, elle vit de peu elle doit être moins payée que lui.

La femme vit de peu, parce qu’elle se dévoue au point de se priver. Mais, prenons garde, la femme qui ne mange pas à sa faim la femme qui se débilite, qui se sacrifie, perd avec sa santé, la santé de la génération.