Page:Audiat - Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux.djvu/100

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et tu rendras honteux tes detracteurs. » Mais mon esprit disoit d’autre part : « Tu n’as rien de quoy poursuyure ton affaire ; comment pourras-tu nourrir ta famille et acheter les choses requises pour passer le temps de quatre ou cinq mois qu’il faut auparauant que tu puisses iouir de ton labeur. » Or, ainsi que i’estois en telle tristesse et debat d’esprit, l’esperance me donna vn peu de courage. »

La persévérance ne manquait pas au rude artisan. Il entreprend une fournée nouvelle. Cette fois, pour hâter le succès et gagner du temps, il loue un potier, et lui fait exécuter un nombre suffisant de vaisseaux, tandis que lui s’occupe de mouler quelques médailles qui recevront aussi l’émail. Mais sa table est si frugale, sa femme voit avec tant de déplaisir ses épreuves infructueuses, qu’il n’ose faire partager à son ouvrier les privations de sa vie et les rebuffades de son épouse. Il le nourrit dans une hôtellerie voisine, et encore à crédit.

Six mois se passèrent à façonner les vases. Au bout de ce temps le tavernier, qui ne touchait aucun à-compte, refusa de nourrir le potier qui ne recevait pas plus de salaire. Maître Bernard dut renvoyer son manœuvre. Mais il fallait rétribuer son travail. Probe jusqu’au scrupule, au fort de la plus extrême indigence, Palissy lui donna ses vêtements : ainsi l’ouvrier aura au moins un payement.

Est-ce assez de misères ? Pas encore. Il faut un four ; mais la chaux manque, les briques manquent. Qu’importe ? Bernard ne s’embarrasse pas de si peu. Il démolira l’ancien fourneau ; et des matériaux il en