Page:Audiat - Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux.djvu/137

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de l’exil et d’introduire jusque dans les splendides réunions de la cour de France. » Maître Bernard, je crois, en moulant des fougères, des oursins ou des crabes, n’avait pas de si orgueilleuses visées. Il avait parcouru les campagnes, foulé les prairies, pataugé dans les marais. La nature sous-marine et paludéenne lui était familière. Il représentait ce qu’il avait sous les yeux. Puis il moulait ses objets. Or, il est plus facile de mouler un sourdon, une anguille ou un gland qu’une figure humaine, la tête d’un cheval ou un chêne. Il avait les originaux de ses plats sous la main et en abondance. L’un détruit, un autre était trouvé.

Il y a peut-être, outre ces motifs, une cause générale. On n’échappe pas à l’influence de son siècle, pas plus qu’il n’est facile de respirer un air autre que l’air ambiant. La réaction est fatale et la loi des contrastes s’impose. François Ier, en appelant en France les artistes italiens, avait développé prodigieusement le goût des somptueux palais, des riches tableaux, des métaux précieux travaillés. Primatice, le Rosso et Cellini bâtissent, peignent et cisèlent en même temps. Les artistes ultramontains sont toujours dans les régions élevées, ciel ou Olympe, Olympe surtout. Les héros et les dieux, les princes et les rois, voilà leurs compagnons, leurs commensaux, leurs idoles. Le grandiose est dans leurs conceptions ; la majesté dans leurs compositions, l’histoire et la mythologie dans leurs inspirations. La simple nature est délaissée. Le monde, l’univers pour eux, c’est la cour, princes, prélats, guerriers, maîtresses. Aussi après