Page:Audiat - Un poète abbé, Jacques Delille, 1738-1813.djvu/25

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maintenant ». Il l’y mettait, mais constituait ainsi une œuvre de marqueterie.

Le succès des Jardins réveilla l’envie. Si le poème fut loué sans mesure, il fut critiqué avec passion, sans justice, œuvre agréable, facile, où les jolis morceaux ne manquaient pas, mais où les descriptions remplaçaient le sentiment, l’inspiration, et l’habileté, le génie. « Il fait un sort à chaque vers et néglige la fortune du poème », remarquait Rivarol, qui disait encore :


Son style citadin peint en beau les campagnes ;
Sur un papier chinois, il a vu les montagnes,
La mer à l’opéra, les forêts à Longchamps.


Chénier ajoutait :


À travers sa lorgnette
Et par les vitres du château.


« Il n’y a guère plus de deux mois que le poème des Jardins a paru, disait la correspondance de Grimm (août 1782), et l’on en a déjà fait une demi-douzaine de critiques dont quelques unes ne manquaient assurément ni d’esprit ni de malignité. La seule défense que M. l’abbé Delille ait opposée à toutes ces attaques, c’est la meilleure sans doute, quoiqu’elle ne soit pas à l’usage de tout le monde, a été de laisser multiplier en silence les éditions de son ouvrage ; on est actuellement à la septième, et ces éditions se sont succédé encore plus rapidement que les libelles où on le déchirait avec un zèle si louable et si littéraire[1]. »

Grimm ajoutait :

« De toutes les critiques du poème des Jardins, la plus injuste peut-être, mais aussi la plus piquante, est une Lettre de M. le prince de*** à M. le comte de*** ; elle est d’un jeune homme qui s’est fait

  1. Correspondance littéraire de Grimm et Diderot, t. XI, p. 193.