Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/152

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blanches il n’en finit pas de rire. Calmé enfin il dit en balançant sa chaise :

— La femme riche qu’ils ont sous la main, ma grande Annette, je la connais, va : c’est Bambou.

— Bambou ?

— Oui, Bambou ; c’est une jeune et joyeuse créature qui aime à faire endêver les hommes ; mais la masse de billets bleus qu’elle pourrait avancer pour l’achat du magasin paraît certainement une bonne affaire à mes patrons.

Il rit encore et reprend :

— Ces braves gens sont incapables de juger Bambou ; ils la croient simplement une écervelée que je mettrais à la raison en même temps qu’à la caisse du magasin ; mais je t’assure que cette folle n’a aucune envie de lier son sort au mien, et, pour une fois, mes patrons se sont engagés là dans une mauvaise affaire.

Maintenant que c’est Valère qui parle de cela j’en ressens de la tristesse et je questionne :

— Cette Bambou, elle faisait partie du dîner de samedi dernier ?

— Oui, elle en faisait partie, comme elle fait partie de tous les dîners, de tous les soupers et de toutes les fêtes.

Il rit, il rit, comme amusé d’une bonne farce.

Je voudrais rire avec lui, mais une lourdeur abaisse mes paupières et une griffe m’entre dans la gorge ; cependant je réussis à dire :

— Elle est peut-être lasse de tant de fêtes, et elle voudrait peut-être mener une vie plus calme auprès d’un seul.