Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/184

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tent, allons voir celles qui broutent. » Lui-même préfère les bêtes inoffensives, mais il se plaît surtout auprès des fleurs qui lui rappellent le nom de sa fiancée. Assis près de moi, à l’ombre d’un marronnier, il me parle longuement de son mariage qui doit avoir lieu au printemps prochain. Et comme il n’a plus à tenir compte de la volonté du grand-père de Rose, il compte bien quitter l’armée à la fin de son rengagement. Je m’inquiète de son avenir. Il n’est pas adroit au commerce comme Valère, et sorti de la caserne, il lui faudra bien reprendre sa vie de petit commis dont il n’était guère satisfait.

Mais Firmin se fâche : « Pas un jour de plus je ne resterai à la caserne, tu m’entends ? » Il rit soudain et se moque :

— On n’y manque de rien cependant.

Il passe les mains à rebrousse poil sur son vêtement :

— Vois comme je suis vêtu de drap fin. Clémence n’en exigerait pas de plus beau pour son manteau des dimanches.

Dans ce jardin où des groupes d’enfants nous entourent, nous nous plaisons à parler de la venue prochaine du mien. Firmin ne reçoit pas de réponses aux lettres affectueuses qu’il ne cesse d’écrire à son ami. Malgré cela il est certain que Valère ne me tiendra pas rigueur de mon éloignement lorsqu’il verra son fils beau et bien portant. Il sait, par un camarade dont les parents demeurent à Nice, que le magasin de chaussures est de mieux en mieux achalandé. Il espère que Valère est maintenant assagi et sobre, et sur cet espoir