Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/193

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les mots refluent comme des oiseaux nés en cage et que l’espace épouvante. Son silence peut durer des jours entiers. C’est alors au tour de Jacques de s’apitoyer. Ce matin à regarder cette bouche si durement close, il n’a pu s’empêcher de dire :

— Ayez pitié de vous-même, Églantine ! Dites seulement un mot de votre peine, afin que les larmes vous apportent un peu de soulagement.

Mais elle a levé sur lui des yeux d’une supplication telle, que c’est à lui que les larmes sont venues, et qu’il s’est éloigné, l’âme bouleversée de pitié.

Dans les moments plus calmes, Églantine s’efforce de rire en parlant de leur mutuelle douleur qu’elle réunit et compare. Celle de Jacques, dit-elle, peut s’échapper par quelques fissures de son cœur, alors que sur le sien quelqu’un a mis un si lourd couvercle que, malgré son désir, elle n’a jamais pu le soulever.

Dans le même temps Mlle Charmes vint augmenter l’ennui d’Églantine au lieu de l’apaiser, ainsi qu’elle en avait l’intention. Tout d’abord sa lettre parlait longuement du mois de mai toujours si beau à Bléroux. Elle parlait plus longuement encore de la vie si simple, si unie et si heureuse de Mar-