Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/53

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ble pas à celle de ses compagnes, Églantine en a honte, comme elle a honte de ses goûts différents, comme elle a honte de son désir de tout connaître, et comme elle a honte de sa beauté naissante. Cette timidité, qu’on lui reproche, s’efface pourtant lorsqu’elle fait seulement de la musique. Elle aime ce vieil harmonium, qui geint du dos et des pédales, et dont les touches capricieuses résistent ou s’enfoncent brusquement sous le doigt. Par les soirs d’été, sa journée finie, elle se rend à l’église pour le seul plaisir de faire résonner l’instrument. Dans la chapelle de la Vierge, où se trouve l’harmonium, il fait sombre. À peine si elle distingue la grande Vierge blanche entourée de lourds flambeaux et de vases dans lesquels s’épanouissent des fleurs en papier d’or et d’argent. Ce que voit Églantine, ce qui retient toujours son attention, c’est un vitrail aux couleurs vives, placé très haut, et sur lequel le couchant s’arrête longtemps, comme pour mieux le reconnaître. Dans ce vitrail, il y a de hauts palmiers sous un ciel très bleu, et, dans le lointain, sur un chemin de sable brillant, un petit âne s’en va portant Marie et son enfant. Un peu à l’écart, Joseph, tout vêtu de blanc, marche le front baissé et les épau-