Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/55

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pour le repas du soir, certaine d’être seule à entendre sa voix, elle peut moduler à son gré la joie la plus vive ou la douleur la plus profonde.

Chaque soir mère Clarisse attend Églantine auprès de la table où fume la soupière et où se gonfle le gros pain bis, entre le fromage et les fruits. Tou, devenu vieux et patient, attend sa maîtresse à l’entrée du Verger et l’annonce par un aboiement qui ressemble à un rire.

Le père Lumière mange à son heure, sans un mot, seul au bout de la table.

Pour rentrer plus vite, Églantine prend le chemin de la sapinière. Un chemin fait de sable gris, et si fin que les pieds n’y laissent pas de trace. Elle ne prend la route que lorsque Louis Pied Bot demande à faire un bout de promenade avec elle pour délasser ses jambes si longtemps croisées sur l’établi. Ce bout de promenade va toujours jusqu’à la maison de Marguerite Dupré. La jeune fille, debout sur le seuil, les regarde venir. On dirait qu’elle les attend. Dès qu’ils sont proches, elle vient à eux pour parler et rire un instant, puis elle rentre, tandis que Louis Pied Bot, le visage pensif, s’en retourne lentement vers la maison de son frère.