Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/116

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le plus moelleux, l’étendent sous les œufs, et commencent la longue tâche de l’incubation, pour ne l’interrompre qu’à de courts intervalles, lorsque le besoin de nourriture se fait trop impérieusement sentir.

Enfin, au bout de trois semaines, la vie s’annonce par de faibles cris sous la coquille, et la nouvelle famille, faisant un violent effort, paraît au jour. Qu’ils sont gentils, pendant que de leur bec si tendre encore ils démêlent et assèchent leur léger duvet ! Mais déjà, s’alignant l’un après l’autre, voyez-les suivre leur heureuse mère, qui les conduit à l’eau où ils se baignent et plongent aussitôt, comme pour exprimer toute leur joie d’avoir reçu le jour. Bien loin de là, sur un autre marais, se tient à l’écart le mâle fatigué et amaigri ; père dénaturé, jamais il n’eut souci de sa progéniture ; sans regrets, il a pu délaisser sa femelle, qu’autrefois il semblait tant aimer ! Que lui importent ses cruelles inquiétudes et la peine qu’elle a dû ressentir en se voyant si complétement abandonnée ? À elle seule, d’abord la lourde charge des œufs, et maintenant les soins et les anxiétés pour cette nombreuse et innocente couvée, qu’elle voudrait défendre et faire prospérer aux dépens de sa propre vie ! Elle les guide, ces chers petits, le long des rives couvertes d’herbe, dans les endroits peu profonds, et leur apprend à saisir les insectes qui voltigent en abondance, les mouches, les moustiques et les scarabées étourdis, qui tournoient ou serpentent à la surface. À la moindre apparence de danger, ils prennent leur élan, se dirigent vers le bord, ou plongent et disparaissent. Au bout de six semaines, ceux qui ont