Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/143

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autant essayer de prendre un daim à la course, que de tuer une Grue qui est ainsi sur ses gardes. Quelquefois, aux approches du printemps, lorsqu’elles se disposent à retourner aux lieux où elles doivent nicher, le cri d’une seule suffit pour effaroucher et faire fuir toutes les autres à un mille à la ronde. Dans ce cas, elles se réunissent en une grande troupe, s’enlèvent graduellement en décrivant une spirale, montent à une hauteur immense et partent en droite ligne.

Lorsqu’on a blessé un de ces oiseaux, il ne faut s’en approcher qu’avec précaution, car leur bec peut faire de cruelles blessures. Je le sais par expérience, et donne avis à tout chasseur de ne pas oublier derrière soi son fusil, quand il veut poursuivre quelqu’une de ces Grues qu’il a frappée. Une après-midi, pendant l’hiver, descendant le Mississipi pour aller à Natchez, j’en aperçus plusieurs posées sur un large banc de sable. Aussitôt, prenant ma carabine et des munitions, je sautai, du bateau plat, dans un canot, en recommandant à mes hommes de ne pas me perdre de vue, à cause de la rapidité du courant que le banc de sable, en cet endroit, resserrait et rendait dangereux. Je saisis donc la pagaie, et tout en me dirigeant vers le rivage, je remarquai qu’en m’y prenant bien, je pourrais m’approcher des Grues, sous le couvert d’un gros arbre échoué près du bord. Bientôt je débarquai, amarrai mon canot, et me mis à ramper de mon mieux, en poussant mon arme devant moi. Arrivé au tronc d’arbre, je levai tout doucement la tête, et de derrière une branche qui me cachait, je vis les Grues qui n’étaient pas à plus de