Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/164

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séjour aux Torturas, nous eûmes soin de ne nous en laisser jamais manquer.

Le lendemain matin, M. Ward m’avertit qu’un grand nombre de Sternes, après avoir quitté leur île à deux heures et s’être envolés vers la mer, étaient revenus un peu avant le jour, sur les quatre heures ; moi-même, plus tard, je pus vérifier le fait et reconnaître, qu’à moins qu’il ne se fût élevé un vent frais, c’était là, chez eux, une habitude régulière. Ils ont donc la faculté de voir la nuit comme le jour, puisqu’ils sortent indifféremment à l’un ou l’autre moment, pour chercher sur mer leur nourriture et celle de leurs petits. Il en est tout autrement du Sterne stupide (sterna stolida)[1] qui, lorsqu’il se trouve surpris en mer par l’obscurité, ne fût-ce qu’à quelques milles de terre, se pose sur l’eau et même sur les vergues des navires où, si on le laisse tranquille, il dort jusqu’au jour. C’est précisément cette circonstance qui lui a valu le nom de fou ou stupide, auquel en réalité, il a beaucoup plus de droit que l’espèce dont je traite ; car je dois dire que jamais je n’ai vu aucun individu lui appartenant venir ainsi se poser sur un vaisseau, bien que je sois resté à bord, dans le golfe du Mexique, cinquante jours entiers, et cela, à une époque où ces oiseaux abondaient, et où les matelots m’en prenaient autant que je pouvais en désirer.

Cette dernière espèce aussi s’abat rarement sur l’eau, et même elle n’y semble pas à l’aise, à cause de sa

  1. Sterne noddi, ou mouette folle.