Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/291

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qu’elle ne la sait pas en sûreté, elle semble insouciante de ses propres périls, et sans aucun doute se laisserait prendre avec joie, si par ce sacrifice elle pouvait obtenir le salut de ceux qu’elle aime plus que sa vie. Ainsi j’ai vu l’une de ces femelles dévouées se laisser tomber comme morte au milieu de la route, pendant que ses petits (elle en avait cinq) se pressaient sur leurs faibles jambes et tâchaient d’échapper à une troupe d’enfants, qui en avaient déjà pris un et s’amusaient, les vauriens ! à le rouler à coups de pied sur la poussière. La mère aurait peut-être subi le même sort, si, sortant par hasard du fourré, je n’étais intervenu fort à propos pour elle.

La petite Bécasse d’Amérique est alliée à notre bécassine commune (Scolopax Wilsonii) ; mais elle en diffère essentiellement par ses habitudes, plus encore que par sa forme : elle est moins sauvage et plus gentille. Toutes les deux elles voient la nuit ; toutefois la première est plus nocturne que l’autre. Celle-ci, sans provocation ni motif apparent, émigre souvent de jour ou prend de hautes et lointaines volées, tandis que la Bécasse s’enlève rarement dans la journée, si ce n’est pour se soustraire à ses ennemis, et dans ce cas même ne fuit qu’à une courte distance. Lorsqu’elle s’en va, cherchant de çà et de là, sans but bien arrêté, elle ne s’élève guère au-dessus de la cime des arbres ; et quand on la voit, à la brune ou au lever de l’aurore, elle vole bas et d’ordinaire au travers des bois. D’ailleurs, c’est toujours la nuit qu’elle accomplit ses grands voyages, ainsi que l’indique suffisamment la seule ampleur de ses yeux