Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/304

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Quand il a senti l’hameçon, le dauphin se débat violemment et s’élance avec impétuosité jusqu’à bout de ligne. Alors, se trouvant soudain arrêté, il saute souvent en se tenant tout droit, plusieurs pieds hors de l’eau, se débat encore en l’air, et quelquefois même parvient à se détacher. Quand il est bien pris, le pêcheur expérimenté le laisse d’abord faire ses évolutions ; bientôt il s’épuise, et on le hisse sur le pont. Quelques personnes préfèrent le tirer tout de suite ; mais rarement elles réussissent, car ses brusques secousses, lorsqu’il se sent hors de son élément, suffisent en général pour le dégager. Les dauphins vont par troupes de cinq à vingt individus, chassant en meute dans l’eau, comme les loups sur la terre, quand ils courent après leur proie. L’objet de leur poursuite est d’ordinaire le poisson volant, de temps en temps la bonite ; et quand rien de mieux ne se présente, ils se contentent de la petite perche marine[1] qu’ils attrapent, sans peine, sous la poupe du bâtiment. Les poissons volants leur échappent d’abord par la rapidité de leur fuite ; mais quand ils voient de nouveau le dauphin approcher, ils s’élancent en l’air, déploient leurs larges ailes en forme de nageoires, prennent l’essor et se dispersent dans toutes les directions, comme une couvée de perdrix devant le vorace faucon. Les uns poussent en droite ligne, d’autres divergent à droite et à gauche ; mais ils ne tardent pas à se replonger dans la mer. Pendant qu’ils volaient,

  1. Rudderfish (Perca sectatrix de Catesby), mot à mot poisson gouvernail, ainsi nommé parce qu’en traversant l’Atlantique, il s’en attache presque toujours au gouvernail des vaisseaux.