Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/306

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même, une fois, j’ai vu ce redoutable animal emporter, avec ses dents tranchantes, la meilleure partie d’un dauphin qui tenait à l’hameçon et que déjà l’on avait amené à la surface de l’eau.

Les dauphins que nous prîmes ainsi dans le golfe du Mexique étaient soupçonnés d’avoir la chair vénéneuse, et pour vérifier le fait, notre cuisinier, qui était un nègre d’Afrique, n’en faisait jamais frire ni bouillir sans jeter un dollar dans le vase où ils cuisaient[1]. Si le poisson n’avait pas terni la pièce, lorsqu’il était prêt à être mis sur table, on le servait aux passagers, avec force assurances qu’il était parfaitement bon. Mais, comme sur une centaine de dauphins ainsi éprouvés, pas un seul n’eut la propriété de convertir l’argent en billon, j’en conclus que notre Africain, avec toute sa finesse, n’était pourtant pas sorcier.

Un matin, le 23 juin, par une chaleur étouffante, je fus surpris en sautant de mon hamac, qui se balançait sur le pont, de voir autour de nous la mer couverte d’une multitude de dauphins qui s’ébattaient, en grande liesse, à sa surface. Les matelots m’affirmèrent que c’était un signe certain de vent. Oui ! dirent-ils, et qui plus est, d’un bon vent. Je pris plusieurs dauphins dans l’espace d’une heure, et au bout de ce temps il n’en restait presque plus dans le voisinage du vaisseau.

    encore que le requin ; Catesby assure en avoir vu de dix pieds de long, et Dutertre prétend que sa chair a le goût de celle du brochet.

  1. C’est aussi ce qui se pratique à l’île de la Trinité ; seulement on se sert, pour cette épreuve, d’une cuiller d’argent.