Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/316

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atteindre la faible vue de l’homme. Il flotte à présent, dans ces régions pures et sereines où l’imagination seule peut le contempler ! Mais déjà le voici qui reparaît : les ailes à demi fermées, il descend lentement vers la mer ; un instant il s’arrête, puis se replonge dans les airs. Trois fois il s’est approché de la surface de l’Océan ; enfin, d’un mouvement brusque et violent, il bat des ailes, semblable au guerrier qui fait tournoyer sa claymore ; tout va bien ! et il part, en poussant des bordées de côté et d’autre, pour chercher la proie.

Cependant le soleil arrive au milieu de sa course ; des nuages menaçants obscurcissent l’horizon, la brise, que l’on ne sent point encore, commence à soulever les ondes ; un brouillard épais s’étend sur l’abîme, les cieux s’assombrissent ; déjà les vents déchaînés font écumer les vagues, et à leur mugissement répondent les roulements lointains du tonnerre. La nature entière est enveloppée de ténèbres, les éléments sont confondus : seule, la Frégate tient vaillamment tête à l’ouragan. Si son vol ne peut en forcer l’impétuosité, du moins elle ne recule pas et continue de se balancer comme le faucon, dont l’œil est fixé d’en haut sur sa proie. Mais la tempête a redoublé de fureur ; alors l’oiseau s’élève obliquement : en quelques vigoureux coups d’aile, il surmonte les nuages tumultueux et ne tarde pas à entrer dans une atmosphère paisible, où il vogue à l’abri des orages, attendant qu’au-dessous de lui le monde ait repris sa tranquillité.

Souvent j’ai vu la Frégate se gratter, en volant, la