Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/403

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tuer plusieurs d’un seul coup, sur un banc de sable bien connu derrière lequel s’abrite l’île de la Crique au canot. En ces jours fortunés de ma première jeunesse, que d’heures délicieuses j’ai passées en les guettant ! Il me semble y être encore ; et quand j’y songe, je relis avec moins de fatigue les notes éparses dans mon journal tant de fois feuilleté.

Rangés en lignes brisées sur les bords du banc de sable, se tiennent une centaine de Pélicans aux larges pieds. Les riches teintes de l’automne décorent les arbres aux alentours ; et à les voir réfléchies comme des fragments de l’arc-en-ciel, on dirait qu’elles remplissent de leurs nuances variées les profondeurs mêmes du fleuve qui laisse dormir ses ondes. L’orbe du jour n’a plus que des rayons rougeâtres et voilés : c’est le commencement de l’été indien, cette heureuse saison, plus qu’aucune autre, charmante et sereine, et semblable à l’automne de la vie qui, pour un véritable amant de la nature, est, en effet, l’époque la plus pure et la plus calme de l’existence. Les Pélicans rassasiés se mettent à nettoyer leur plumage, attendant avec patience que la faim les presse de nouveau. Si l’un d’eux, par hasard, vient à bâiller, aussitôt, et comme par sympathie, tous, les uns après les autres, ouvrent leur large bec et s’en donnent longuement et à leur aise ; puis ils recommencent à se parer, à lisser leurs plumes, en les étirant tout du long entre leurs mandibules, jusqu’à ce qu’enfin tout soit bien en ordre, comme s’ils se préparaient à figurer dans quelque grande cérémonie. Cependant le soleil va bientôt disparaître, et sa lumière