Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/440

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du grand et même dans sa gorge. Quand celui-ci était par trop ennuyé de ces importunités, il ouvrait le bec dans lequel son petit frère coulait sa tête jusqu’au fond de la gorge, pour en retirer le poisson que l’autre venait d’avaler ; et c’est de cette singulière façon que le grand, qu’on reconnut plus tard être un mâle, continua toujours d’agir, en vrai père adoptif, envers sa jeune sœur laquelle, en effet, semblait s’être mise sous sa protection. J’ai toujours en ma possession le premier qui se nourrit de poisson. Il le jette plusieurs fois en l’air, le reçoit très adroitement et l’avale à la première occasion favorable, c’est-à-dire quand il retombe dans son bec la tête la première. Au commencement, lorsqu’il s’agissait d’un gros poisson, j’avais soin de le faire couper par morceaux, jugeant le cou de cet oiseau trop mince pour pouvoir se dilater suffisamment et le laisser descendre tout entier ; mais bientôt je reconnus que cette précaution n’était nullement nécessaire. Un poisson trois fois gros comme son cou y passait d’une seule pièce ; et aussitôt l’oiseau venait me trouver, faisant claquer ses mandibules pour que je lui en donnasse un autre. Mon favori se rendit familier dès le commencement de sa captivité ; il me suivait par la maison, au travers de la cour et du jardin, et même quelquefois finissait par devenir importun. Celui que j’avais donné à mon ami était nourri de poisson et de bœuf cru ; mais quoiqu’il eût acquis son entier développement, il ne se porta jamais aussi bien que le mien, et finit par mourir d’une affection spasmodique. C’était une femelle, son plumage paraissait moins brillant que celui de l’adulte