Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/62

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Cependant de nouveau brille l’aurore ; aucun ne bouge ; le soleil est déjà haut ; alors, l’un après l’autre, ils ouvrent des yeux hébétés, étendent les jambes, bâillent et finissent par se mettre sur leur séant. — Mais quels sont ces nouveaux arrivants ? Ah ! cette fois, c’est une troupe d’honnêtes pêcheurs qui, depuis plusieurs mois, n’ayant vécu que de salaisons, sentent le besoin de se régaler de quelques œufs. Fiers et légers voguent leurs bateaux sous l’impulsion des vigoureux rameurs ; sur chaque embarcation flotte joyeusement le pavillon du pays ; ils n’ont point d’armes et ne pourraient se battre qu’avec leurs longues rames ou à coups de poing. Tous, ils ont mis leurs beaux habits du dimanche, et sans soupçon ils abordent et se préparent à escalader le roc. Les autres, qui sont bien encore une douzaine armés de fusils et de gourdins, leur barrent le passage et les défient. Après quelques mots de mutuelle provocation, je ne sais lequel des bandits, encore ivre, lâche la détente, et les marins voient tomber un des leurs. Alors ils poussent par trois fois un cri formidable, et tous ensemble se précipitent sur les brigands. La mêlée est horrible ; mais enfin le bon droit l’emporte, et tous les chercheurs d’œufs restent sur le carreau, foulés aux pieds et meurtris. Trop souvent aussi, les pêcheurs prennent leurs bateaux, vont à la chaloupe et brisent tous les œufs qu’elle contient.

Car ce ne sont pas seulement les chercheurs d’œufs de profession, mais les pêcheurs eux-mêmes qui font cette cruelle guerre aux nids des oiseaux ; et de là de fréquentes et terribles querelles. Pendant que nous