Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/74

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héron d’être l’auteur du méfait, je lui conseillai de se mettre en embuscade avec un fusil : c’est ce qu’il fit ; et cette mesure eut pour résultat la mort d’un superbe héron, de ceux de notre espèce, dans lequel il retrouva sa dernière dorade.

À l’état sauvage, jamais ce Héron ne mange de poisson mort, ni d’aucun autre animal qu’il n’ait tué lui-même. Il lui arrive parfois de s’attaquer à un poisson si gros et si fort, qu’il court risque de sa propre vie. C’est ainsi que, sur la côte de la Floride, j’en vis un qui ne craignit pas de s’adresser à un adversaire de cette taille. Bien qu’il se tînt ferme et raide sur ses hautes jambes, il fut entraîné assez loin, tantôt à la surface, tantôt sous l’eau ; enfin par une brusque secousse, il parvint à dégager son bec ; mais il paraissait à bout, et resta près du rivage, tournant la tête à la mer, et probablement sans envie de recommencer. On ne s’imagine pas combien de poissons de cinq à six pouces un de ces oiseaux peut manger par jour. J’en avais quelques-uns à bord de la Marion qui, dans une demi-heure, consommaient plein un seau de jeunes mulets ; et quand je leur donnais de la chair de tortue, il leur en fallait plusieurs livres à chaque repas. Je ne fais pas de doute qu’un seul individu, bien disposé, ne pût dévorer quotidiennement plusieurs centaines de petits poissons. Sur l’une des clefs de la Floride, nous en prîmes un qui était en vie, mais si maigre et si pauvre, que je me décidai à le tuer pour connaître la cause de cet état misérable. C’était une femelle adulte et qui avait eu des petits au printemps. Son ventre était gan-