Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/79

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limpides de cette belle rivière qui, dans son cours, le borne à l’occident. Je me figure encore être sur ses bords : retournant de vingt ans en arrière, mes muscles ont recouvré leur souplesse, mon esprit sa promptitude et sa vigueur ; les rêves légers de l’avenir flottent devant moi, tandis que je me repose sur l’herbe du rivage, suivant du regard les ondes étincelantes. Sur ma tête, la forêt fait ondoyer ses majestueuses cimes, le taillis entrelace ses épais berceaux, sous lesquels retentit le chœur des chantres de la solitude, et qui, de leurs voûtes, laissent pendre des grappes de fruits vermeils et des guirlandes de magnifiques fleurs. Cher lecteur, je suis bien heureux… Mais hélas ! déjà le songe s’est évanoui, et je me retrouve maintenant dans l’Athènes britannique, écrivant un épisode pour varier mes biographies d’oiseaux ; autour de moi s’entassent de jaunes et poudreux in-folios, d’où je cherche à extraire quelque particularité intéressante relativement à la pêche du Chat marin[1].

Cependant avant d’entrer en matière, je veux, dans une rapide description, vous donner au moins une idée de la demeure que j’occupais sur les bords du fleuve. Quand je débarquai pour la première fois à Henderson, dans le Kentucky, ma famille, de même que ce village, était très peu considérable : l’un se composait de six ou huit maisons, l’autre de ma femme, d’un enfant et de moi. Si peu nombreuses que fussent les maisons, nous eûmes cependant la chance d’en trouver une de

  1. Voyez la note de la page 55 au premier volume.