Page:Augier - Théatre complet, tome 1.djvu/16

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Mais moi, pour qui la vie est un long bâillement,
J’ai raison de mourir et dois mourir gaîment.
Rien ne vaut un regret dans tout ce que je quitte.

Paris.

Les dés, l’amour, la table ont pourtant leur mérite.

Clinias.

Je ne suis plus gourmand pour trop l’avoir été.
Et pour avoir trop ri, je n’ai plus de gaîté.
Les dés ne comptent plus puisque, joueur inerte,
Je ne m’émeus pas plus du gain que de la perte.
Les femmes… c’est toujours cette difformité
De beauté sans esprit, ou d’esprit sans beauté.

Paris.

Moi, je suis moins subtil. Quand une tête est belle,
Je ne m’informe pas du tout de sa cervelle.
Et je tiens celle-là quitte de tous bons mots
Dont l’œil est amoureux, amoureux le propos.

Clinias.

Je veux qu’a la beauté, moi, l’esprit soit en aide,
Et la sotte m’ennuie à l’égal de la laide.

Cléon.

Si l’amour ne t’est rien, du moins est-il permis
De croire que tu tiens compte de tes amis ?

Clinias.

Mes amis !… mais c’est vous, et vous ne m’aimez guère.
Je n’ai pas là-dessus de reproche à vous faire,
Car vous avez raison ; et je n’ai pas, je croi,
Beaucoup plus d’amitié pour vous que vous pour moi.

Paris.

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