Page:Augier - Théatre complet, tome 4.djvu/54

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cents qui ont toujours la main à la poche et se croient aimés pour eux-mêmes… Car l’attrait de ce genre de bonnes fortunes, la supériorité de la lionne pauvre sur la femme galante, c’est que son bailleur de fonds peut se prendre et se prend toujours pour un Lovelace !

Léon.

Bailleur de fonds ! Comment te figures-tu donc que cela se passe ? Sur le comptoir ?

Bordognon.

Je l’ignore, mais tu es là pour me l’expliquer.

Léon.

Pourquoi veux-tu que je le sache mieux que toi, imbécile ?

Bordognon.

Alors, puisque tu ne sais rien, c’est encore Bordognon qui va t’expliquer la chose. Ah ! non, ça ne se passe pas sur le comptoir ! Toute liaison au début est une pastorale ; on aime ! Les petits cadeaux entretenant l’amitié, bonbons et bouquets pleuvent chez la bergère ; on aime ! Puis, on risque un bijou, deux bijoux… qu’à titre de souvenir agrée encore la belle… on aime ! mais, un jour, déficit au budget, et le pastor fido d’offrir certains joyaux toujours de mode, dont le monopole appartient à l’État. La pastourelle s’indigne, notre homme la persuade, grâce à un tas de balivernes usées, où le sophisme le dispute à l’absurde ; elle se rend et consent enfin à s’immoler… On aime ou on n’aime pas ; elle aime et elle accepte.

Léon, avec dépit.

Somme toute, il n’y a rien là qui ressemble à un marché.