Page:Augier - Théatre complet, tome 4.djvu/81

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Bordognon.

Une dette de jeu ?

Léon.

Oblige-moi doublement en ne me questionnant pas.

Bordognon.

À la bonne heure !… Bordognon, mon ami, tire-moi de l’eau, mais ne me demande pas pourquoi je m’y suis jeté. Tu es dur pour ton sauveur, sais-tu ?

Léon.

Je suis forcé de me taire.

Bordognon.

Je ne t’en veux pas. D’ailleurs, ce que tu me dirais, je le sais aussi bien que toi. Je la connais, la scène de l’échéance !… On arrive, pimpant, chez son adorée ; on la trouve rêveuse ; on s’informe imprudemment de ce qui la chiffonne : elle refuse de le dire. Moi, je n’insiste plus dans ce cas-là, mais il y en a qui insistent ; je pourrais t’en citer qui insistent jusqu’à ce que la belle éplorée, entre deux larmes — deux perles, à en juger par ce qu’elles coûteront — leur avoue tout bas, bien bas, plus près de la joue que de l’oreille, qu’elle n’a plus qu’à se briser la tête contre son oreiller. Sur ce, on se frotte les yeux avec son mouchoir, comme on bat le briquet pour obtenir du feu : on se désole, on est bien honteuse de débattre ces vilaines questions-là avec le chéri de son cœur, mais ce n’est qu’un emprunt, et patati, patata… monsieur console, endosse le billet, et Léon Lecarnier, que voilà, vient demander dix mille francs à Frédéric Bordognon, que voici.

Léon.

Je te jure…