Page:Augier - Théatre complet, tome 5, 1890.djvu/218

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Madame de Verlière.

À vous, à lui, à votre sexe tout entier, à cette humiliante façon d’aimer qui nous met au rang des animaux de luxe, un peu avant les chiens de race et les chevaux de sang ; est-ce clair ?

Elle retourne s’asseoir dans la bergère, près de la cheminée.
Lancy, se levant.

Très-clair. Toute femme qui se pique de délicatesse s’indigne d’être aimée pour sa beauté ; elle ne veut l’être que pour son âme, c’est connu.

Madame de Verlière.

Prétention bien ridicule, n’est-ce pas ?

Lancy.

Je ne dis pas cela ; mais, que voulez-vous ! l’homme est un être grossier à qui l’amour vient par les yeux.

Madame de Verlière.

C’est ce que je lui reproche.

Lancy.

Par malheur, c’est là une loi de nature à laquelle les deux sexes sont soumis, le vôtre comme le nôtre, malgré toute prétention contraire…

Madame de Verlière.

Quelle infamie !

Lancy.

Voyons, madame, la main sur la conscience : si vous aimiez quelqu’un, et que ce quelqu’un vous arrivât un jour borgne ou manchot, est-ce que ce dégât ne jetterait pas un peu d’eau froide sur votre exaltation ?