Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/112

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puisablement fécondes. Pénétrons sa pensée pour jouir de l’expression qu’il lui donne. Contemplons-le dans sa vérité et souffrons qu’elle ait été telle, quelle que soit l’idée que nous nous fassions, à cette heure, de la Vérité. Reprochons-nous aux Grecs de radoter d’Homère, et d’Hélène, et d’Ulysse ? Pourquoi reprocherions-nous au moyen âge d’être ivre de Jésus-Christ et de nous redire sans jamais se désenchanter de ces austères merveilles les miracles de l’Évangile et toute la légende dorée de la Vierge et des saints ?

Ses œuvres, toutes meurtries, mais encore si belles, sont là, partout sous nos yeux dans notre pays, et ce sont les plus précieuses de nos richesses.

Que manque-t-il encore, après tant de livres pleins de science qui les racontent, qui les expliquent, qui les justifient, — que faut-il encore ? Quelle force irrésistible ramènera le peuple au pied de ces Cathédrales qui sont à lui, et le persuadera que l’heure a sonné d’en finir avec les vieilles incompréhensions, les vieilles ingratitudes, et de jouir à nouveau de son bien ?

— Peut-être une grande voix apportant le témoignage irréfutable d’un personnel exemple, illustre.



IV


LA MISSION DE RODIN


Bien que personne certainement ne l’ait oublié, il sera opportun de rappeler ici l’accueil qui fut fait, par le public et par la majorité des critiques, à la statue de Balzac. — La Société des Gens de Lettres, qui l’avait commandée, la refusa, et, au Salon de 1898, devant l’œuvre, après de brefs instants de stupeur, quelles explosions de rire ! Aucune prudence, nulle mesure. Il ne vint pas à la pensée des détracteurs qu’ils pussent se tromper. Ils ne comprenaient pas ; donc, il n’y avait rien à comprendre. L’artiste avait failli ou s’était moqué du monde : le monde répliquait en se moquant, à son tour, de l’artiste. Et les rares esprits qui voyaient juste — un Jean Dolent, un Roger Marx, un Gustave Geffroy, un Arsène Alexandre, un Camille Mauclair… — ne parvenaient pas à se faire entendre, tandis que de haut et à grosses voix les ignorants rappelaient l’artiste savant à