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monter toujours, il allait modeler le Victor Hugo et ce Balzac, auquel il faut bien revenir puisqu’il marque le terme suprême d’un immense effort. Là, Rodin compose avec la nature. Il associe, plus intimement qu’il n’avait encore jamais fait, la sculpture aux vibrations de l’atmosphère, amplifiant certains plans, réduisant certains autres, graduellement, donnant tout aux modelés, mais seulement aux modelés essentiels. Prête à la marche, la figure se contient encore, se rassemblant, concentrant ses forces, et combinant les qualités expressives du mouvement avec les qualités décoratives de la puissance statique, cubique, de la volonté qui s’évade de l’éphémère jusqu’aux caractères impérieux du type.

C’est au seuil de l’Autre Cathédrale — Autre, mais fidèle aux lois antiques et gothiques — qu’il faudra quelque jour placer la statue de Balzac : elle projette la lumière du passé vers l’avenir ; elle symbolise la résurrection de la jeunesse d’une race dans la reconquête de la vérité.

Vérité antique, vérité gothique : même et unique vérité. Mais, après avoir aimé la beauté sous la forme grecque, Rodin, fort de ces premières études où son regard s’était affermi, a découvert la beauté plus près de nous, sous sa forme française, et il a senti battre son cœur, comme un homme qui retrouve les titres de gloire de son sang, de son nom. Il nous affirme que nos Cathédrales sont très belles ; il nous supplie de les aimer, nous aussi… Et sa pensée vise au delà de l’immédiat horizon.

Défendre — en imposant à tous le respect de leur splendeur — les Cathédrales contre les fous qui les brisent et les hypocrites qui les restaurent, c’est le premier but. Mais Rodin le sait : point d’admiration sincère si elle ne suscite l’activité productrice. Ce n’est pas une « distraction » que nous demanderons aux ruines gothiques, si nous écoutons Rodin : c’est, à tous les degrés, et dans tous les sens de l’action humaine, un rappel aux principes qui constituèrent notre tradition et un conseil d’unité.