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éternels de la lumière et de l’ombre. Nous avons donc grand intérêt à écouter la leçon française au moins aussi fervemment que la leçon grecque. Il est bien vrai que nous venons d’Asie, nous aussi ; mais, de ceux qui écrivirent en Grèce le dernier chapitre de l’histoire asiatique et de ceux qui écrivirent en France le premier chapitre de l’histoire européenne, ceux-ci, tout de même, sont les plus voisins de nous ; leurs cerveaux et leurs cœurs, les habitudes et les préférences de leur esprit et de leur sensibilité, leurs façons d’exprimer sont les plus conformes aux nôtres. Elles rejoignent, d’ailleurs, mystérieusement celles de la Grèce et nous les expliquent.

Avec quelle émotion reconnaissons-nous, dans les œuvres de nos ouvriers en pierres vives, cette vertu qui si éminemment désigna le génie grec : la Mesure ! Dans des conditions différentes à travers l’espace et le temps, c’est sensiblement le même idéal. Constatation rassurante pour l’esprit humain, irrésistible motif de foi en son indéfectible constance. À l’insu des générations, une tradition inflexible et pourtant très douce les achemine par des courbes variées vers un but identique. Quelles que soient les espèces de la forme et les méthodes de l’art, c’est, là comme ici, la même harmonie des proportions qu’on s’est proposé d’atteindre.

Que si nous hésitions à en croire nos yeux, quelqu’un, avec l’autorité de celui qui sait ce que c’est que le chef-d’œuvre, nous assure que nos yeux nous disent vrai.

En semblable matière nous pouvons écouter Auguste Rodin.

C’est un fait considérable que l’intervention du grand artiste dans ce débat. Nous montrerons par quelles phases logiquement enchaînées de son développement il fut amené à comprendre, par un lent progrès et comme avec fatalité, les œuvres architecturales et statuaires du moyen âge.

« — J’ai changé », dit-il, « je trouve du nouveau dans le connu. »

Et d’où vient ce changement ?

« — Mon principal changement est celui que je dois au travail. Ayant toujours plus assidûment étudié, je peux dire que j’ai toujours plus ardemment et plus lucidement aimé. »

Et il déclare qu’il a goûté ses plus belles heures de joie devant les chefs-d’œuvre monumentaux de l’ancienne France. Personne pourtant n’ignore quel est le culte de Rodin pour les maîtres de la sculpture grecque et pour Michel-Ange.