Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/328

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siasme… Regardez aussi par votre fenêtre. Regardez vos parents, vos amis. Admirez la beauté touchante de ces chères figures où transparaissent des âmes qui se sacrifient en silence. Voyez vos amis comme Rembrandt voyait les siens : il n’y avait que de vivants chefs-d’œuvre, n’est-ce pas, autour de ce grand homme. C’est qu’il possédait la vertu du travail. Quel miraculeux outil de compréhension ! Il ne tient qu’à vous d’apprendre à le manier.

L’homme est malheureux, parce qu’il prétend échapper à la loi du travail, parce qu’il veut jouer, comme les gamins et les ambitieux, à qui sera le chef, le premier. Il trahit ainsi sa propre intelligence, qui ne réclame pas des joies de vanité. Son objet naturel, c’est la vérité ; son activité naturelle, c’est l’effort qui lui permet d’atteindre cette vérité dans le monde caché, de se rendre compte des rouages. Et le rayonnant résultat de cet effort, c’est le bonheur. Le bonheur accompagne, comme le cheval qui court, l’intelligence qui cherche. Mais c’est toujours au fond qu’il faut tendre : quand je dis que le corps humain a tant de beauté variée, tant de grandeur, je suppose comme une vérité évidente que l’âme en ce chef-d’œuvre enfermée est elle-même le couronnement du chef-d’œuvre, la maîtresse. Découvrons l’âme dans le corps.


Je ne connais ni l’Inde ni la Chine… Mais j’aime la campagne française. J’en puis parler, dût-on suspecter de parti pris ma tendresse…

Qu’ils sont délicats, nos horizons de France ! Ils ont une grandeur doucement monotone, comme la bonté qui inspire l’intelligence et fait une joie de chacun des actes de la vie. La vie est mesurée, dans les campagnes ; elle a son rhythme. Là, est la race, là, est le génie, là, le bon dans le naïf, là, est la sage lenteur, et les choses mauvaises y deviennent bonnes, par ambiance. Les idées retournent, pour ainsi dire, à la terre et nous en reviennent mieux portantes. Le paysan ne se presse pas ; il va du pas des siècles.

Il faut savoir retourner sur ses pas. Les impatients n’y consentent jamais : tout, plutôt que de recommencer ! Pauvres gens ! Ils sont voués à l’irrémédiable ignorance, car la patience est la condition première de toute étude fructueuse.