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VII


AMIENS


C’est une femme adorable, cette Cathédrale, c’est une Vierge.

Quelle joie, quel repos, pour l’artiste, de la retrouver si belle ! Chaque fois, plus belle ! Entre elle et lui quel intime accord !

Point de confusion vaine, ici, point d’exagération ni d’enflure. C’est l’empire absolu de l’élégance suprême.

Dire qu’on attribue ce monument à des temps barbares !

Cette Vierge s’est levée ici, à une époque de sincérité, pour allumer et pour entretenir dans le cœur des hommes l’amour de la beauté. Sous son manteau, elle apportait aux sculpteurs d’innombrables modèles. Non, ce ne sont pas ou ce ne sont pas seulement des saints et des martyrs que je vois ici : ce sont bien des modèles pour nous. Les artistes d’alors ont dû penser que, dans la suite des temps, l’art aurait besoin d’être ramené à la vérité…

Ces modèles, je n’ai pas l’intention de les énumérer tous. Quelques-uns m’ont très particulièrement retenu.

— Cet ange, qui lève la tête pour nous montrer le ciel.

— Ces deux personnages en prière.

— Cet évêque colorié, sali, patiné ; sa tête admirable !… Il y a un petit chien, sûrement le chien de l’artiste…

— Tout près, un homme prie, intérieurement, sans parler ; le geste de la prière gouverne de beaux plis dans les draperies, noires seulement vers