Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/38

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ou renouvelé ; une telle pensée reste étrangère aux églises romanes, qui diffèrent les unes des autres par leur structure même. — Au XIIIe siècle, du moins, en parcourant la France, en feuilletant les grands livres de pierre qu’elle tenait ouverts dans les villes, on s’édifiait, on s’instruisait aussi, et des écrivains ont cru démêler, dans ce caractère encyclopédique des Cathédrales, leur essentiel trait commun ; je ne pense pourtant pas qu’il nous rende compte de toute la Cathédrale, ni surtout de son architecture.

Avant tout, et c’est ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, la Cathédrale est bien un lieu religieux, domus orationis. Si les fidèles y peuvent être appelés par d’autres intérêts que ceux de leur salut, c’est de tout ce qui le concerne qu’il s’y agit principalement. L’enseignement que le chrétien doit y recevoir, c’est donc, surtout, celui de sa religion ; le spectacle qui l’y attend, c’est la célébration des rites, à laquelle il participe.

Mais cette maison de Dieu est faite pour les hommes, non pour Dieu.

Michelet, comme on sait, a dit que la Cathédrale était la maison du peuple. C’est vrai, dans le sens où il l’entendait : outre un lieu d’enseignement et de prière, l’église était un lieu de délibérations, de réunions civiles, même un lieu de fête populaire ; les individus y bénéficiaient, de plus, du droit d’asile, grâce à quoi leur liberté et leur vie furent fréquemment sauvegardées.

La parole de Michelet s’approfondit d’un autre sens. L’église chrétienne appartenait au peuple en ce qu’elle lui était destinée, qu’elle avait été construite pour le contenir et l’abriter, à la différence des temples polythéistes, où il n’y avait guère de place que pour le dieu et ses prêtres. Le dieu, d’autre part, n’était que dans son temple, il l’habitait, en justifiait par sa présence l’édification et n’avait pas, littéralement, le droit d’en sortir. Quant aux rites, ils s’accomplissaient presque toujours extérieurement au temple proprement dit. Le Dieu de l’Évangile est aussi dans son église. Comment n’y serait-il pas, puisqu’il est partout ? Il y est même d’une façon très particulière et sensible, sous les espèces consacrées ; mais il y est pour la foule des fidèles, pour y habiter avec eux.

L’église ne se réserve donc pas, comme le temple, un retrait de mystère où il soit sacrilège de pénétrer. Le mystère a pris cette forme concrète, le sacrement, qui authentique l’entretien de l’homme avec Dieu. Entretien, en quelque manière, à égalité, sous le couvert que Dieu et l’homme se partagent, dans l’ombre clôturée où Dieu attend l’homme, dans le carrefour toituré où l’homme a ses rendez--