Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/388

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Du même point de vue, j’observe que la Cathédrale monte comme des flammes…

Et la richesse des profils fait que le spectacle varie sans cesse.

À étudier une Cathédrale, on a toutes les surprises, toutes les joies d’un beau voyage. Elles sont infinies.

Aussi je ne prétends pas vous décrire toutes les beautés de la Cathédrale de Reims. Qui donc oserait se vanter de les avoir toutes vues ? — Quelques notes seulement…


Mon but, ne l’oubliez pas, est de vous persuader de prendre à votre tour ce chemin glorieux : Reims, Laon, Soissons, Beauvais…


Par ma fenêtre ouverte m’arrive la grande voix des cloches. J’écoute attentivement cette musique, monotone comme le vent, son ami, qui me l’apporte. Il me semble y percevoir à la fois des échos du passé, de ma jeunesse, et des réponses à toutes les questions que sans cesse je me pose, que, toute ma vie, j’ai cherché à résoudre.

La voix des cloches suit et dessine le mouvement des nuées ; elle meurt et renaît tour à tour, s’affaiblit, se ranime, et, dans son immense effet, les bruits de la rue, grincements des chariots, cris du matin, se perdent. La grande voix maternelle domine la ville et se fait l’âme vibrante de sa vie. Je n’écoutais plus, j’entendais encore et, rappelé soudain, je prête de nouveau l’oreille ; mais c’est par-delà, c’est à la foule de par là-bas que maintenant les cloches parlent ; on dirait un prophète, en plein air, qui se tourne et se détourne tour à tour, vers la droite et vers la gauche. Le vent a changé.

Mais ce sont des siècles, ce ne sont pas des heures que sonnent les cloches de nos grandes Cathédrales.

Il est vrai, ce sont aussi des fêtes, des fêtes religieuses… Quelle est donc celle d’aujourd’hui ? Comme cette simple question creuse une fosse profonde entre la Cathédrale même et le questionneur ! S’imagine-t-on un homme du XIIIe siècle demandant : Quelle fête les cloches annoncent-elles aujourd’hui ? — Interrompez-vous, appels aériens, ou ne tombez plus jusqu’à nous ; envolez-vous dans l’azur…