Page:Auguste Rodin - Les cathedrales de France, 1914.djvu/424

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Les piliers, rassurants dans toutes les dimensions, sont plus réels à mesure qu’ils approchent du sol. Il y a des effets de lumière sur les dalles. Les colonnettes paraissent toutes plissées.

D’autres colonnes sont comme des arbres qui soutiennent la voûte et le ciel, qui soulèvent la nuit antique. Elles m’imposent à nouveau l’image de rangées de soldats disciplinés. Elles sont lisérées de lumière. Elles se dressent comme des bois. Le hêtre est leur type. En haut, on ne voit que le dessin de ses ramures. Le silence accompagne leurs moulures jusqu’au faîte, — le silence de l’immobilité : car le vent, ici, ne fait rien bouger, et ces arbres sont des plantes d’intérieur. — Le long de ces colonnes, de ces arbres, montent des lueurs faibles qui vont se perdre dans l’ombre de la voûte. Légères, les nervures apparaissent comme de hautes toiles d’araignée.

En somme, ces piliers, rangés en arc, ne supportent directement que de l’ombre, des nues noires. Partant du bas faiblement éclairé, leurs fûts s’achèvent dans l’inconnu. Le plafond pourtant remet la vérité là-haut et les ombres la supportent. J’ai sur la tête un gouffre en hauteur, mais ce gouffre est si bien ordonné que l’illusion déplace harmonieusement la force quand les lumières bougent.

Ce pilier Renaissance ne se perd pas complètement dans ce gouffre. Il se fusèle en s’élevant, il s’enferme délicatement dans le nuage sombre. On sent que, là-haut, des oiseaux de feu, sur des rocs noirs, battent furieusement des ailes ; il y a lutte, et du conflit des forces naît la règle.


Je suis à l’intérieur d’une pyramide.

Dire qu’une petite flamme de cierge peut, en vacillant, faire palpiter le monstre, déplacer les architectures, en ce moment immobiles ! Une nuance de clarté et tout ceci va remuer.


Prélude court ; carillon : voix de la minute.

Ce chant, là-haut, est comme un avertissement pour les anges : dans le demi-jour l’heure immémoriale va sonner.

La cloche, bruit de forges, bascule de sonneries, remplit tout de ses vibrations.